Journalisme : informer ou façonner l’opinion ?
La presse du jour, dimanche 9 mars 2025
"Face à Poutine et Trump, le réveil de l’Europe" titre Le Parisien. "La surenchère de la peur" affiche Le Journal du Dimanche. "Mêmes sans Washington, les Européens derrière Kiev" analyse Ouest-France. "La liberté d’expression en danger" alerte un éditorial de JDNews, insistant sur le rôle des médias dans le débat public.
Quatre journaux, quatre visions du monde, quatre récits d’une même actualité. Derrière ces titres, une même question : le journalisme informe-t-il encore ou façonne-t-il notre perception du réel ?
L’illusion de l’objectivité absolue est un piège. Tout travail journalistique repose sur des choix : quels sujets mettre en avant, comment les formuler, quel cadre narratif adopter. La simple décision de titrer un article "L’Europe se renforce" ou "Macron joue avec la peur" ne relève pas du hasard mais d’une ligne éditoriale, d’une lecture du monde qui précède l’écriture.
Or, ces choix ne sont jamais anodins. Ils s’inscrivent dans un écosystème où l’information doit être rapide, percutante, immédiatement partageable. L’instantanéité des réseaux sociaux a imposé un rythme qui rend difficile la vérification, le croisement des sources, le recul nécessaire à une analyse rigoureuse. Le journalisme de contexte, celui qui donne à comprendre plutôt qu’à réagir, semble reculer face à un journalisme de l’immédiateté, où l’opinion prend souvent le pas sur le fait.
Cette mutation s’accompagne d’une polarisation croissante. Il ne s’agit plus seulement d’informer, mais aussi de mobiliser. Certains médias revendiquent une posture engagée, assumant leur rôle dans la bataille des idées. D’autres prétendent à la neutralité tout en orientant subtilement leur discours par les mots qu’ils choisissent, les experts qu’ils sollicitent, les angles qu’ils privilégient.
Face à cette réalité, quelle posture adopter ? Faut-il regretter un âge d’or du journalisme qui, en réalité, n’a jamais existé ? Faut-il, au contraire, accepter que l’information soit un champ de forces où chaque média défend une vision du monde ?
Le défi, pour les journalistes, est de concilier rapidité et rigueur, liberté et responsabilité, investigation et viabilité économique. Pour les lecteurs, l’enjeu est d’apprendre à décrypter, à confronter les récits, à interroger les narrations qui nous sont proposées. Car si le journalisme est un filtre sur le réel, la capacité à en lire les mécanismes est aujourd’hui plus précieuse que jamais.
La presse ne détient pas la vérité, elle la met en scène. Le comprendre est peut-être le premier pas vers une information plus éclairée.