« Ce que vous dites est vrai. Ce n’est pas une raison pour qu’on s’y intéresse »
- Advocaciz
- 4 juin
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« Ce que vous dites est vrai. Ce n’est pas une raison pour qu’on s’y intéresse »
On évoque souvent les fake news comme principal biais de l’information contemporaine.
Pourtant, une autre dérive, plus diffuse mais tout aussi structurante, traverse le traitement médiatique actuel : celle d’une information rigoureusement exacte, mais dont la présentation, le cadrage ou la sélection des éléments participe d’un effet d’orientation. Loin de constituer une falsification, il s’agit plutôt d’une simplification, d’un angle implicite, parfois inconscient, mais qui pèse sur la réception de l’information.
Ce phénomène est particulièrement perceptible dans la couverture des prises de parole politiques. De nombreuses déclarations sont reprises telles quelles, sans rappel des responsabilités passées des locuteurs, ni mise en perspective des décisions antérieures. Ce n’est pas nécessairement le signe d’une complaisance : souvent, c’est la conséquence d’une temporalité contrainte, d’un impératif de lisibilité immédiate ou d’un calibrage éditorial qui privilégie l’émotion à l’analyse.
Cette logique n’épargne pas les entreprises.
Nombre d’acteurs institutionnels, économiques ou associatifs produisent des contenus rigoureux, porteurs de propositions, parfois innovants dans leur approche. Le problème ne tient pas à leur qualité intrinsèque, mais au fait qu’elles ne déclenchent pas d’effet de récit. Elles ne suscitent ni opposition, ni tension immédiate, ni clivage lisible : autant de critères implicites qui conditionnent la sélection médiatique.
C’est ici que se situe la difficulté : pour qu’un message soit repris, il ne suffit pas qu’il soit fondé. Il faut qu’il s’inscrive dans une dynamique narrative cohérente avec les attentes — conscientes ou non — du média auquel on s’adresse. Ce que l’on appelle communément un “bon angle” ne désigne pas une astuce de communication, mais une forme de convergence entre la structure du propos, le contexte dans lequel il s’insère, et le récit dominant au moment de sa publication.
Cela ne signifie pas qu’il faille se plier aux modes médiatiques ni renoncer à la densité du fond. Mais cela impose une exigence supplémentaire : penser non seulement ce que l’on dit, mais aussi la manière dont cela sera entendu, filtré, comparé, voire instrumentalisé. Ce travail d’anticipation n’est pas un artifice : c’est la condition pour qu’une parole, quelle qu’en soit l’origine, puisse exister dans l’espace public.
Enfin, il faut rappeler que le système médiatique n’est pas monolithique. C’est précisément en multipliant les sources, les formats, les registres, que l’on parvient, au fil des lectures, à reconstituer non pas une vérité unique, mais un faisceau de faits, d’interprétations, et d’éléments comparables. Une information ne devient fiable que par recoupement, jamais par autorité.
Comprendre la presse, c’est, en somme, transformer la communication en relation et la relation en intelligence.