Échapper au piège du biais de confirmation : Lire contre soi
- Advocaciz
- 14 mars
- 2 min de lecture
Nous croyons lire la presse pour nous informer. En réalité, nous la lisons trop souvent pour nous conforter. Chaque matin, chaque semaine, nous ouvrons les pages d’un journal qui nous ressemble. Nous y trouvons les analyses qui renforcent nos convictions, les éditoriaux qui expriment nos pensées mieux que nous ne pourrions le faire, les tribunes qui dénoncent ce que nous dénonçons déjà.
Ce phénomène a un nom : le biais de confirmation. Décrit par les sciences cognitives, il désigne notre tendance spontanée à sélectionner les informations qui valident nos croyances et à écarter celles qui les contredisent. Nous ne cherchons pas à nous tromper volontairement. C’est notre cerveau qui, pour éviter l’inconfort du doute, nous pousse à privilégier des sources qui nous donnent raison.
L’actualité récente en offre une démonstration éclatante.
Prenons le traitement du cessez-le-feu en Ukraine. Le Figaro insiste sur les manœuvres de Poutine et le risque que l’Europe se laisse duper. La Croix met en avant le réveil stratégique des Européens. L’Opinion analyse les implications économiques, tandis que Le Parisien s’attarde sur l’impact pour les Français. Une même réalité, des récits différents. Selon ce que nous choisissons de lire, nous ne percevons pas la même histoire.
Regardons la guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis. Pour Les Échos, c’est un choc qui menace la croissance. L’Opinion y voit une démonstration de la naïveté européenne. La Tribune y lit un signal d’alarme sur la compétitivité française. À chaque fois, un même fait objectif – des hausses de droits de douane – mais des cadrages qui changent la perception du problème.
Le biais de confirmation ne se limite pas aux médias. Il est partout : dans nos choix de lectures, nos abonnements sur les réseaux sociaux, les débats que nous acceptons d’avoir (et ceux que nous évitons). Plus nous nous entourons d’opinions qui nous ressemblent, plus nous nous persuadons que le monde pense comme nous.
Or, penser ne consiste pas à accumuler des preuves en faveur de ce que l’on croit déjà. C’est, au contraire, l’exercice de se confronter à ce qui nous dérange.
Lire contre soi, c’est lire Libération quand on penche pour Le Figaro. C’est lire Le Point quand on suit L’Obs. C’est accepter que l’autre camp ait des arguments, même si nous ne les partageons pas. C’est refuser la facilité intellectuelle d’un monde où tout confirmerait ce que nous pensions déjà.
Le journalisme n’est jamais neutre. Il hiérarchise, sélectionne, interprète. Ce n’est pas un problème en soi, à condition d’en être conscient. Ce qui est dangereux, c’est de s’enfermer dans une seule vision du monde.